"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

mardi 13 mars 2018

Peter Davydov : CONVERSION AU KOSOVO, OU COMMENT ADEM EST DEVENU ADAM





Adem de Prizren a perdu la tête dans sa vieillesse. Il est devenu dingue, complètement siphonné ! Quatre-vingt-huit ans, ce n'est pas une blague. Mais il est devenu fou un peu plus tôt, à quatre-vingts ans. Pour être exact, il s'est dirigé vers l'église orthodoxe de sa ville natale, l'ancienne capitale des Nemanichi, et il a demandé le baptême. "Je veux devenir orthodoxe. Je veux devenir Adam."

De telles proclamations dans une ville qui avait chassé presque tous les chrétiens après le pogrom de 2004 sont, il faut le dire légèrement, dissonantes avec la bonne humeur générale causée par le nettoyage de la ville des maudits Serbes orthodoxes. et la santé psychologique d'Adem, que sa grande famille élargie considérait qu'il possédait. Et cette grande famille élargie a catégoriquement refusé de s'associer avec son grand-père qui avait changé de foi.

"C'est leur affaire!" dit grand-père Adam en essuyant une larme. "Je n'ai pas changé ma foi - je suis revenu à la vraie foi. Nous étions tous chrétiens! " 

Quand ils disent que presque tous les Serbes ont été chassés de Prizren, une ancienne ville serbe, le mot «presque» est lourd de sens; ici ou juste en dehors de la ville restent quelques prêtres martyrs, le séminaire théologique de Prizren y est revenu finalement, et maintenant il fonctionne malgré les innombrables difficultés matérielles mais aussi - disons-le avec prudence - un environnement peu amical. 

A ce "presque" appartiennent également deux femmes: Evitsa Djordjevitch et sa fille Melitsa, qui pendant tout ce temps, y compris pendant la terreur contre les Serbes, étaient les seuls chrétiennes orthodoxes de cette ville. 

La télévision serbe a récemment tourné un film sur Melitsa. Je me souviens d'une scène: une petite fille est assise silencieusement devant la fenêtre et regarde la cour où jouent les enfants albanais. Mais elle ne va pas les rejoindre parce que c'est tout simplement dangereux - ils pourraient faire plus que simplement la battre. Elle regarde en silence et sa mère Evitsa pleure. C'est ainsi qu'elles vécurent, enfermés pendant plusieurs années de tristesse, courant à couvert sous des couvertures, la tête baissée. Jusqu'à ce qu'Adam soit arrivé.

Prizren


"Ici à Prizren, et au Kosovo et en Métochie en général, ce qui se passait faisait que vos cheveux se dressaient sur la tête! Ce que les gens [les Albanais] faisaient aux Serbes - des gens qui disent qu'ils prient Dieu mais qui, en fait, l'ont renié par leurs actes!", dit Adam. "Comment pouvez-vous prier Dieu mais haïr les autres peuples? Guerroyer avec eux, les tuer? Prendre leurs maisons, les violer, les voler, profaner leurs églises? J'ai regardé tout cela et ... comprenez-vous? une protestation s'éleva dans mon âme. Cette protestation est ce qui m'a conduit à l'Eglise, puis à Evitsa et Melitsa. Je devais les aider! Alors, j'ai commencé à les aider, et il n'y a rien de spécial à cela. "
Monastère des Saints Archanges
Au début, Adam portait Melitsa dans ses bras pour des promenades autour de la ville, et plus tard, quand elle a grandi, il l'a simplement accompagnée. Alors ils ont commencé à aller en voiture au monastère des Saints Archanges peu éloigné, où les offices divins ont recommencé. Cela semble idyllique - un grand-père âgé se promène avec sa petite-fille, avec la mère heureuse à côté d'eux. Oui, ce serait idyllique s'il n'y avait pas toute l'histoire qui précédait.


Adam Muyovich.
    
D'une manière ou d'une autre, le grand-père Adam a pris soin des Djorjevitch, suscitant la perplexité et le rejet habituels de ceux qui sont maintenant majoritaires à Prizren, mais en même temps le respect et la gratitude des orthodoxes qui vivent à nouveau ici. C'est maintenant une scène habituelle: Le dimanche ou un autre jour de fête, les gens s'approchent d'Adam alors qu'il se dirige vers l'église du Grand Martyr Georges pour le saluer et le remercier "pour être resté humain dans ces temps inhumains."
Prizren, le pont et la rivière

Beaucoup se disputent sur la vraie nationalité d'Adam. Certains disent qu'il est albanais, d'autres insistent sur le fait qu'il est un "Torbesh". C'est ce que les Serbes appellent les Slaves qui se sont convertis à la "foi turque" pour des raisons matérielles: les autorités turques distribuaient des produits alimentaires spéciaux pour faire renoncer à la foi orthodoxe, et ils plaçaient des sacs ("torby") avec de la nourriture à la porte de leurs maisons pour que les autres puissent les voir et contempler ce qui est le meilleur - mourir de faim dans leur orthodoxie ou "vivre comme les gens normaux". La majorité a préféré la faim. 

Et les relations entre les orthodoxes et les "Torbesh", représentants de la même nationalité, sont remplies de haine et de mépris. Incidemment, beaucoup disent que le monastère des Saints Archanges a été brûlé pendant les pogroms par les descendants des Serbes orthodoxes qui s'étaient convertis à l'Islam... Adam n'aime pas tout ce discours sur la nationalité. " Cela suffit maintenant ! Nous appartenons au Christ! "



Pendant la Liturgie, il s'assied habituellement, sa force n'est plus ce qu'elle était. Il est assis, totalement immergé en lui-même et dans la prière. Il cherche un coin où il peut rester inaperçu et converser tranquillement avec Dieu. 


Les autres paroissiens, malgré leur tempérament méridional, ne le distraient pas; la prière d'Adam est une vraie prière. Au moins, c'est ce que ses actes disent de lui.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Version italienne 
http://www.ortodossiatorino.net/

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